Autisme

Brève introduction sur l’autisme

Pour commencer, je cite Yves Michelon qui nous interpelle sur les particularités sensorielles, si paradoxales dans l’autisme. Voilà pourquoi nous pouvons être si intrigués par une personne autiste…

« Ils nous laissent parfois dans cette impression de ne pas entendre, ou de trop entendre, de ne rien regarder ou de se focaliser sur des détails visuels, de toucher à tout ou de ne pouvoir être effleuré, d’éviter le mouvement, et de tournoyer sur soi intensément, d’être insensible aux chocs et de réagir douloureusement à la moindre égratignure de la vie quotidienne. »

Le TSA (Trouble du Spectre de l’Autisme) est un trouble neuro-développemental dans lequel les sujets montrent des discordances dans la réception et le filtrage des informations sensorielles, ce qui altère leur conscience corporelle et leur façon d’interagir avec leur environnement. En effet, leur perception du monde semble bien différente de celle des « neurotypiques ». Ils ont alors un rapport bien particulier à soi, à autrui et au monde.

Il y a autant d’autismes que de personnes avec autisme. Chaque personne est extrêmement différente avec ses particularités propres !

Vidéo « Mon petit frère de la lune »

La classification du DSM V

La dernière version du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, le DSM-V, est parue en mai 2013. L’autisme apparaissait dans le DSM-IV comme appartenant aux troubles envahissants du développement (TED). Désormais, on parle de troubles du spectre autistique (TSA), dans la catégorie des troubles neuro-développementaux.

La symptomatologie du DSM-IV notifiait une triade autistique : altération qualitative des interactions sociales, altération qualitative de la communication, et intérêts restreints et stéréotypés. La nouveauté du DSM-V réside dans ses critères diagnostiques, et l’on peut maintenant parler d’une dyade autistique :

  • Déficits persistants de la communication et des interactions sociales dans de multiples environnements. Comprenant trois sous-catégories :
    • Réciprocité socio-émotionnelle
    • Communication non-verbale
    • Développement, maintien et compréhension des relations.
  • Conduites restreintes et stéréotypées des comportements, des intérêts et des activités
    • Mouvements, usage d’objets, langage répétitifs, stéréotypés
    • Exigence d’immuabilité, de routines inflexibles, de rituels
    • Intérêts fixes, très restreints, anormaux dans leur intensité ou objets
    • Hyper/hypo réactivité sensorielles ou intérêt inhabituel pour certains aspects de l’environnement.

Il existe une grande hétérogénéité clinique, de nombreux types d’autismes différents et à des degrés divers : légers, moyens ou sévères.

 

Les symptômes de l’autisme

Les principales difficultés relèvent de l’insertion sociale. Le sujet autiste est replié sur lui-même et parvient peu à entrer en interaction.

Les neuroscientifiques expliquent cette difficulté par un dysfonctionnement des neurones miroirs. Cela impacte les capacités d’imitation, d’empathie et le faire-semblant. On observe aussi une dysrégulation émotionnelle dans l’autisme.

Au niveau psychomoteur, on peut trouver des troubles au niveau du tonus, au niveau de la construction du schéma corporel et de l’image du corps et par conséquence une désorganisation des coordinations dynamiques générales, des praxies, des repères dans l’espace et dans le temps. Les troubles autistiques sont paradoxaux : un sujet peut passer d’un état à l’autre ; et comme dit précédemment, propres à chacun.

Ainsi, les discordances toniques chez le sujet autiste sont soit : une hypotonie modérée isolée, en l’absence d’une atteinte neurologique, soit une hypertonie de fond. Il peut s’agir d’une réaction de défense, d’évitement. Un sujet autiste peut aussi passer de l’hypotonie à l’hypertonie massive. Souvent, il y a présence d’anomalies tonico-posturales, de troubles d’adaptation posturale, des dystonies et des paratonies, qui entravent la motricité.

Au niveau du schéma corporel et de l’image du corps, la représentation du corps est souvent floue. Il y a fréquemment de graves perturbations du schéma corporel chez l’enfant avec autisme. Il semble avoir une perception partielle du corps.

En ce qui concerne les coordinations dynamiques générales, il y parfois une bizarrerie dans la démarche. La personne peut avoir une attitude figée, une pauvreté des mouvements synchronisés et peu de ballant des bras. Les coordinations et dissociations des mouvements impliquant les deux hémicorps sont parfois également difficiles. Fréquemment, les enfants autistes marchent sur la pointe des pieds.

Caucal et Brunod expliquent la marche sur la pointe des pieds non pas par une affection tendino-musculaire, mais plutôt par une sensorialité plantaire majorée : « les enfants avec autisme (…) supportent mal le port des chaussures en raison d’une hyperesthésie plantaire » (2013, p.78).

Au niveau de l’activité motrice, deux comportements se retrouvent : une apathie, où l’enfant apprécie tout particulièrement se coucher au sol, son activité motrice est restreinte. Au contraire, certains enfants sont hyperkinétiques : ils ont une agitation motrice importante.

Les praxies, ou gestes organisés vers un but, sont parfois maladroites chez le sujet autiste. Alors, l’enfant présente un retard psychomoteur des acquisitions motrices et une maladresse. Il a des difficultés dans les coordinations et les gestes complexes, ainsi que de grandes difficultés dans la motricité fine, avec pour certains une difficulté au niveau de la préhension en pince fine. L’écriture, quand elle est présente, est parfois malhabile.

Enfin, l’organisation spatio-temporelle est complexe. Les personnes avec TSA ont en général une bonne orientation spatiale, bien que les capacités mnésiques parfois déficitaires puissent entraver le repérage dans l’espace. De même, l’organisation dans le temps peut se montrer déficiente ou particulière. On retrouve régulièrement régulièrement chez les enfants TSA le besoin de rituels qui leur permettent de séquencer le temps ou au contraire, qui servent à relier les évènements les uns aux autres. Les rituels contribuent ainsi à former une continuité de vie, ils ont une fonction de réassurance.

Alors la personne avec TSA peut manifester une sémiologie psychomotrice marquée par une représentation floue du corps, des difficultés motrices et des discordances corporelles.

Cela est évidemment à mettre en lien avec les particularités sensorielles.

La prise en soin

Les séances peuvent être variées pour la personne avec TSA, selon ses difficultés: orthophonie, ergothérapie, psychomotricité… Différentes approches interviennent: des méthodes éducatives type ABA, PECS, l’utilisation du Makaton, ou la mise en place d’une autre communication alternative et augmentée (CAA) pour favoriser le langage ; des pratiques basées sur le jeu, les groupes d’habiletés sociales…

En psychomotricité, l’accompagnera visera les difficultés évoquées dans la sémiologie propre de la personne, selon le bilan psychomoteur. Le projet thérapeutique peut viser la recherche d’interactions afin de favoriser la relation, l’aspect psychomoteur, favoriser les coordinations, l’équilibre, une meilleure régulation tonique, visant une meilleure aisance corporelle.

Le psychomotricien intervient aussi pour cibler les modalités sensorielles de la personne autiste. « Apprendre comment fonctionnent les sens de chaque individu autiste est l’une des clés essentielles pour comprendre cette personne » (O’Neil, cité par O. Bogdashina 2013, p.63). Il paraît nécessaire d’appréhender la façon dont le sujet autiste perçoit son environnement. En conséquent, il sera possible d’interpréter ses comportements atypiques mais aussi d’adapter son environnement.

En comprenant le fonctionnement sensoriel propre à la personne autiste, le psychomotricien l’accompagnera à mieux gérer ses particularités, à s’apaiser.

Je travaille avec mon chien médiateur Rio. Il se peut que l’animal soit une motivation supplémentaire, exceptionnelle pour stimuler le langage, favoriser des apprentissages et accompagner l’enfant dans les exercices de psychomotricité !

Anaïs Brunier

(Cet article contient des extraits de mon mémoire sur le toucher en psychomotricité auprès de l’adulte sourd et autiste)


Bibliographie

  • Barthélémy C., Blanc R., Bonnet-Brilhault F., Batard N., Bruandet F., Chaix Y., Corraze J., Garrigou C., Gillet P., Gorgy O., Grenier-Miquel E., Guitard S., Karsenty C., Le Menn- Tripi C., Laranjeira C., Maffre T., Madieu E., Masson O., Nadel J., Perrin J., Plumet M., Pourageau J., Rogé B., Rochat M., Réveillé C., Ruiz S. (2013). Autisme et psychomotricité. Bruxelles : De Boeck
  • Bogdashina, O. (2013). Questions sensorielles et perceptives dans l’autisme et le syndrome d’Asperger. Grasse : AFD
  • Boutinaud, J. (2009). Psychomotricité, psychoses et autismes infantiles. Paris : In Press.
  • Bullinger, A. (2011). Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses avatars. Toulouse : érès.
  • Caucal, D., & Brunod, R. (2010). Les aspects sensoriels et moteurs de l’autisme. Grasse : AFD.
  •  Gorgy, O., & D’Ignazio, A. (2022). Concevoir des programmes sensoriels pour personnes autistes
  • Grandin, T. (1994). Ma vie d’autiste. Paris : Odile Jacob.
  • Grandin, T. (1997). Penser en images. Témoignages sur la perception sensorielle et l’autisme.
  • Hochmann, J. (2009). Histoire de l’autisme.  Paris: Odile Jacob.
  • Pireyre, E. W. (2011). Clinique de l’image du corps: du vécu au concept. Paris : Dunod.

Articles :

o Bullinger, A. (2006). Approche sensorimotrice des troubles envahissants du développement. Contraste, (2), p.125-139.
o Nadel J., Decety J. (2006). Cerveau&Psycho N°13, p.50-53.
o Rogé B., Coulange O. (2004). Autisme : la vérité sur une prison mentale. La Recherche N°373.

Disponibles sur internet : Voss, A. (2016). Comprendre les signaux sensoriels de votre enfant. ASensoryLife.com.

   Chrétien-Vincent, M., Rossini-Drecq, E., & Tétreault, S. (2021). L’éveil des sens chez l’enfant